Dans un contexte économique où la fonction achats doit évoluer vers la création de valeur (et non plus seulement la réduction de coût), le pilotage de la relation fournisseur devient un levier stratégique.
Pour les PME/PMI, structures souvent limitées en ressources mais soumises à des exigences fortes de fiabilité, qualité et agilité, il ne s’agit pas seulement de « contracter » mais de « piloter ».
Le pilotage fournisseur repose sur trois piliers : la sélection des bons indicateurs (KPIs), l’intégration d’accords de niveau de service (SLA) pertinents, et la tenue de revues régulières.
Dans cet article, je vous propose une méthode structurée, opérationnelle et accessible pour structurer ce pilotage, avec l’œil « acheteur-créateur de valeur ».
1. Pourquoi un pilotage fournisseur ?
L’exécution du contrat doit être suivie et analysée pour minimiser les risques et atteindre ses objectifs en termes de qualité, coûts et délais.
En clair : sans suivi réel, les engagements contractuels deviennent des promesses vaines. Le pilotage permet :
- de disposer d’une base objective de discussion (et non une relation fondée uniquement sur la confiance) ;
- de détecter les écarts (délais, qualité, volume) avant qu’ils ne génèrent des impacts coûts ou réputation ;
- de transformer la relation fournisseur en un partenariat performant plutôt qu’un simple prestataire.
Pour une PME/PMI, l’enjeu est d’autant plus stratégique : ressources limitées, forte exposition aux aléas fournisseur, moindre pouvoir de négociation. Un pilotage efficace contribue à sécuriser la chaîne, maîtriser les coûts cachés (non-conformités, retours, interruption) et faciliter les décisions : continuer, renégocier ou remplacer un fournisseur.
2. Les indicateurs clés (KPIs) à privilégier
Le choix des KPIs est fondamental. Les indicateurs de performance achats ne servent plus uniquement au reporting ; ils permettent de piloter la performance, réduire les risques et créer de la valeur.
Quelques KPIs prioritaires
- Taux de livraison à temps (On Time Delivery – OTD) : pourcentage de commandes livrées dans les délais.
- Taux de qualité fournisseurs (TQF) : pourcentage de livraisons sans non-conformités, retours ou défauts.
- Taux de performance contractuelle : respect des engagements SLA, des pénalités, des conditions contractuelles.
- Coût total de possession (TCO – Total Cost of Ownership) : tous les coûts associés à la relation fournisseur, au-delà du prix d’achat.
Conseils pour choisir les bons KPIs
- Alignez vos indicateurs sur vos objectifs stratégiques achats : réduction des coûts, amélioration de la qualité, résilience de la chaîne, achats responsables.
- Évitez d’en avoir trop : la surcharge rend le suivi inefficace. Comme le rappelle Decision Achats : « Il n’y a pas de limites au nombre d’indicateurs tant que cela ne devient pas trop chronophage à mesurer et à analyser.
- Assurez-vous que les données sont fiables, mesurables, comparables dans le temps.
- Mettez en place un tableau de bord simple, visuel, partagé avec les parties prenantes (achats, finance, opérations et fournisseurs).
3. Le rôle des SLA (Service Level Agreements) dans le pilotage
Les SLA forment la colonne vertébrale contractuelle du pilotage. Un bon SLA clarifie les engagements, les indicateurs, les responsabilités et les sanctions.
Un SLA a pour but de déterminer précisément le niveau et la qualité de service qu’un fournisseur s’engage à mettre à disposition du client.
Définir un SLA efficace
- Déterminez le périmètre du service, les parties prenantes, les responsabilités.
- Fixez des objectifs mesurables (SLO – Service Level Objectives) via des indicateurs SLI (Service Level Indicators).
- Intégrez des pénalités ou récompenses en cas de dépassement ou de manquement.
- Prévoir une clause de révision périodique du SLA afin d’ajuster aux évolutions métiers.
Exemple d’indicateurs SLA courants
- Taux de disponibilité du service (ex. 99,9 %).
- Temps moyen de réponse / temps avant prise en charge.
- Temps moyen de résolution (GTR : Garantie Temps de Rétablissement).
Pour les achats de services ou prestations techniques, le SLA permet de structurer la relation fournisseur de façon claire, de piloter les performances et de sécuriser la continuité de la prestation.
4. Mettre en place le processus de pilotage : étapes clés
Voici une approche en 5 étapes pour structurer le pilotage fournisseur dans une PME/PMI.
Étape 1 : cartographier les fournisseurs et prioriser
Identifiez vos fournisseurs critiques (impact métier, montant, risque, dépendance). Pour ces fournisseurs, le pilotage doit être renforcé.
Étape 2 : définir les objectifs & indicateurs
En lien avec vos objectifs (coût, qualité, délais, innovation), définissez 3 à 5 indicateurs clés pertinents et atteignables.
Étape 3 : contractualiser via SLA et plan de pilotage
Incluez les SLA dans les contrats , définissez les KPIs, les seuils, les modalités de reporting et de sanctions.
Étape 4 : mettre en place le suivi opérationnel
Créez un tableau de bord simple, mettez en place des revues périodiques (mensuelles ou trimestrielles). Le pilotage fournisseurs doit être convenu avant l’exécution d’un contrat et ses modalités discutées avant sa signature.
Étape 5 : actionner l’amélioration continue
Quand un indicateur dévie, investiguez la cause racine, mettez en place un plan d’action, suivez l’effet. Ce cycle améliore la performance et renforce la relation fournisseur.
5. Bonnes pratiques pour réussir le pilotage dans une PME/PMI
- Limiter la complexité : privilégiez des indicateurs clairs, peu nombreux, facilement mesurables.
- Intégrer les parties prenantes (achats, qualité, opérations, fournisseurs) : le pilotage est collaboratif.
- Garder la périodicité des revues : mensuelle ou trimestrielle selon l’importance du fournisseur.
- Communiquer : partagez les résultats avec les fournisseurs, valorisez les bons résultats et travaillez les écarts.
- Prévoir un plan d’escalade lorsque les indicateurs sont hors cible : amélioration, renégociation, remplacement.
- Capitaliser : construire un référentiel de performances fournisseurs, enrichir les contrats futurs, diffuser les bonnes pratiques.
Conclusion
Le pilotage fournisseur n’est plus un luxe réservé aux grandes entreprises : c’est un pré requis pour toute PME/PMI qui souhaite professionnaliser sa fonction achats, sécuriser ses relations fournisseurs et transformer ses achats en véritable levier de création de valeur.
En combinant KPIs bien choisis, SLA clairs et processus de revue réguliers, vous structurez une relation transparente, mesurable et orientée performance.
Adoptez cette posture d’acheteur-acteur : vous construisez un partenariat fournisseur robuste, agile et créateur de valeur pour votre entreprise.



