Amélioration continue : et si la performance fournisseur se pilotait aussi par contrat ?

Dans la relation fournisseurs, il y a ce que l’on négocie… et ce que l’on construit. Dans les secteurs les plus matures, comme la logistique ou la supply chain industrielle, la performance ne se limite pas au respect du prix, du délai ou de la qualité. Elle se pense dans la durée, dans une logique d’amélioration continue structurée, souvent formalisée dans un plan de progrès. Et de plus en plus, ce plan devient un engagement contractuel, associé à des indicateurs, des revues périodiques, voire des bonus-malus. Objectif : créer de la valeur pour les deux parties, tout en renforçant la confiance et la résilience de la chaîne d’approvisionnement.


De quoi parle-t-on exactement ?

Un plan de progrès est un document partagé entre l’acheteur et son fournisseur, qui identifie des axes d’amélioration concrets, mesurables, planifiés dans le temps. Ces axes peuvent porter sur :

  • la réduction des délais de livraison,
  • l’optimisation des taux de remplissage ou de fiabilité transport,
  • la baisse du taux d’anomalie ou d’articles non conformes,
  • l’amélioration de la traçabilité, des EDI ou de l’empreinte carbone logistique.

Dans les relations matures, ce plan est intégré dès la contractualisation ou mis à jour régulièrement en comité de pilotage. Il devient alors un levier de création de valeur partagée, bien au-delà de la simple clause de service (SLA).


Pourquoi contractualiser un plan de progrès ?

Formaliser un plan de progrès dans le contrat permet :

  • de créer un engagement réciproque sur des objectifs de performance continue,
  • de renforcer la gouvernance : chaque indicateur peut être suivi en comité fournisseur, discuté, ajusté,
  • de légitimer l’effort d’amélioration auprès des équipes internes ou du fournisseur (investissements, digitalisation…),
  • de rémunérer la performance via des incentives (ex. : bonus pour réduction du lead time au-delà d’un seuil),
  • de sécuriser la relation dans le temps (toute amélioration est tracée, documentée, valorisée),
  • de transformer le fournisseur en partenaire, ce qui change profondément la dynamique de collaboration.

Cas concrets en logistique et supply chain

📦 Exemple 1 : prestataire logistique et taux de service

Une entreprise de distribution B2B, confrontée à un taux de service instable sur un de ses entrepôts externalisés (TMS + WMS gérés par un 3PL), a contractualisé un plan de progrès sur trois axes :

  1. réduction des erreurs de préparation,
  2. amélioration de la ponctualité des départs,
  3. digitalisation de la traçabilité colis.

Chaque indicateur faisait l’objet d’un seuil cible, avec révision trimestrielle en comité performance, et application d’un bonus si le niveau était dépassé 3 mois consécutifs. Résultat : en un an, le taux de service est passé de 93 à 98,7 %, les litiges ont baissé de 40 %, et les équipes ont construit une relation plus transparente avec le 3PL.

🚛 Exemple 2 : transporteur et émissions CO₂

Dans l’agroalimentaire, un industriel a intégré un plan de progrès carbone dans le contrat cadre de ses transporteurs principaux. Deux actions clés ont été définies :
– passage progressif à des camions GNV ou HVO,
– réduction des kilomètres à vide via regroupement inter-clients.

Ces engagements étaient suivis via la une plateforme spécialisée, et faisaient l’objet d’un reporting semestriel présenté au directeur logistique. Après deux ans, les émissions transport ont baissé de 12 % pour un coût resté stable.


Ce que dit la norme et la pratique

L’ISO 20400 sur les achats responsables encourage la mise en place de dispositifs de progrès mesurables et mutuellement bénéfiques. La norme AFNOR X50-058 sur le contract management insiste, elle, sur l’intérêt de suivre contractuellement les plans d’actions, non seulement les obligations légales.

Les grandes entreprises françaises structurent désormais leurs relations fournisseurs autour de comités fournisseurs intégrant systématiquement une revue de performance et un plan de progrès. Ce plan devient un pilier de la gouvernance relationnelle, tout autant qu’un outil d’alignement stratégique.


Conditions de succès

Pour qu’un plan de progrès fonctionne (et mérite d’être contractualisé), cinq conditions doivent être réunies :

  1. Un objectif partagé : il ne s’agit pas de plaquer des KPI arbitraires, mais de co-définir des cibles réalistes.
  2. Des indicateurs fiables : les données doivent être accessibles, partagées et comprises de tous.
  3. Un rythme de revue clair : mensuel ou trimestriel, dans un comité opérationnel ou stratégique.
  4. Des leviers activables : un plan qui dépend uniquement d’investissements hors de portée du fournisseur est voué à l’échec.
  5. Une valorisation claire : l’effort consenti doit être reconnu — soit par un bonus, soit par une priorisation dans les appels d’offres futurs, soit par un allongement de la durée contractuelle.

À quoi ressemble un bon plan de progrès ?

AxeIndicateurObjectifFréquence de revueEngagement
Fiabilité transport% livraisons à l’heure≥ 98 %mensuelleBonus si ≥ 3 mois consécutifs
Taux de litigesNb litiges / 1 000 expéditions≤ 2trimestrielleAnalyse RCA + plan correctif
Emissions CO₂gCO₂ / km–10 % sur 12 moissemestrielleReporting certifié

Conclusion

L’amélioration continue ne se décrète pas : elle se construit, et se pilote. Dans les achats logistiques, où les marges sont serrées et la pression élevée, le plan de progrès contractuel devient une brique essentielle de la gouvernance fournisseurs. Il matérialise une volonté commune de faire mieux, ensemble. Il structure la relation, formalise la confiance, et permet de dégager de la performance au fil du temps et souvent bien au-delà des économies négociées.

Ne plus subir le contrat, mais l’utiliser pour progresser : voilà le vrai tournant.

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