Délais de paiement : un enjeu stratégique majeur pour les PME/PMI en 2025

Les délais de paiement constituent un levier à forte dimension financière, réglementaire et stratégique pour les entreprises. Pour les PME/PMI, dont les équilibres de trésorerie restent sensibles et les chaînes d’approvisionnement souvent concentrées, leur maîtrise fait partie intégrante de la performance achats.
L’évolution récente des comportements de paiement en France et en Europe confirme que ce sujet demeure un « risque systémique » pour la continuité d’activité.
Dans ce contexte, la fonction achats joue un rôle déterminant pour sécuriser le fonctionnement de l’entreprise, renforcer la relation fournisseur et contribuer directement à la création de valeur.


1. Un cadre légal structurant mais encore trop souvent mal appliqué

Le régime général français impose des règles strictes :

  • 30 jours à réception des biens ou prestations (à défaut de clause contractuelle),
  • 60 jours maximum à compter de la date d’émission de facture,
  • ou 45 jours fin de mois si ces conditions sont contractuellement acceptées.

Ces limites sont fixées aux articles L441-10 et suivants du Code de commerce, complétées par la DGCCRF. Leur objectif historique : réduire le poids du crédit interentreprises qui représente un frein majeur de trésorerie pour les entreprises.

Le non-respect de ces obligations entraîne :

  • des pénalités de retard obligatoires,
  • l’indemnité forfaitaire de 40 €,
  • et des amendes administratives pouvant atteindre 2 M€ pour les personnes morales en cas de violation caractérisée.

Certains produits (notamment aliments et boissons) et secteurs bénéficient de conditions dérogatoires.

L’exemple du transport : un plafond spécifique de 30 jours facture

Le secteur du transport routier de marchandises, ainsi que les métiers connexes (commissionnaires de transport, transitaires, fret maritime/aérien, affrètement), bénéficie d’un dispositif dérogatoire :
Le délai de paiement ne peut en aucun cas dépasser 30 jours à compter de la date d’émission de la facture.


2. Tendances 2021-2025 : le retour de tensions sur les délais de paiement

Les données officielles révèlent une situation contrastée, avec une amélioration ponctuelle, mais une fragilisation récente :

• Une amélioration en 2022…

Le dernier rapport de l’Observatoire des Délais de Paiement – Banque de France note une baisse de 2 jours des retards de paiement interentreprises en 2022.
Cet effet positif est attribué à une reprise post-COVID plus disciplinée et au renforcement des contrôles DGCCRF.

• … mais une dégradation en 2023

En 2023 :

  • 46 % des entreprises ont constaté une augmentation de leur délai client moyen (contre 21 % en 2021).
  • Les retards se concentrent dans l’industrie, la distribution spécialisée et le BTP.
  • Les entreprises les plus fragiles sur le plan financier sont les premières à souffrir de cette extension des délais.

• 2025 : un niveau moyen à 49,7 jours en France

Selon l’étude Coface 2025 :

  • Le délai moyen de paiement en France est de 49,7 jours (contre 51 jours précédemment).
  • 86 % des entreprises ont subi des retards de paiement au cours des 12 derniers mois.
  • Les retards sont jugés « plus fréquents et plus imprévisibles ».

• Une situation particulièrement tendue dans le transport

Le baromètre 2025 des délais de paiement – secteur Transport & Logistique montre :

  • un délai réel moyen de 64 jours,
  • 38 % des entreprises confrontées à des retards supérieurs à 30 jours,
    soit plus du double du plafond légal pour le transport.
    Ce secteur cumule donc risque réglementaire + risque fournisseur.

• En Europe : une détérioration significative

Le EU Payment Observatory (CEPS) indique une hausse du délai moyen B2B en Europe :

  • 53 jours en 2021 → 62 jours en 2022.
    Cette dégradation alimente la volonté de la Commission européenne d’imposer un plafond unique de 30 jours à l’échelle de l’Union.

3. Pourquoi les délais de paiement sont un enjeu majeur pour la fonction achats

Pour les PME/PMI, le délai de paiement n’est pas qu’un paramètre administratif. C’est un instrument de pilotage stratégique.

3.1 Impact direct sur le BFR et la trésorerie

Un fournisseur payé à 60 jours mais qui produit ou achète ses matières premières en 30 jours finance à votre place ce décalage.
À grande échelle, cela fragilise la filière et augmente les risques de rupture.

3.2 Risque fournisseur et sécurité supply-chain

Les retards de paiement sont la première cause :

  • de baisse de qualité,
  • de réduction de capacité,
  • de défaillances fournisseur.

L’acheteur doit donc intégrer la dimension solvabilité fournisseur + comportement de paiement dans la stratégie de panel.

3.3 conformité réglementaire et risque réputationnel

La DGCCRF publie chaque année la liste des mauvais payeurs.
Pour une PME/PMI, un contrôle défavorable peut impacter l’image, la confiance de ses fournisseurs et son accès au financement.


4. Les leviers achats pour réduire les délais et sécuriser les flux

La fonction achats peut transformer un simple respect légal en véritable levier de performance.

4.1 Cartographier les délais de paiement réels

  • Délai contractuel vs. délai réel
  • Analyse par famille d’achats
  • Focus transport (plafond 30 jours)

4.2 Négocier des conditions équilibrées et conformes

  • Interdire les clauses dépassant les 60 jours / 45 jours fin de mois
  • Imposer explicitement le 30 jours transport dans les contrats logistiques
  • Prévoir des mécanismes d’escompte pour paiement anticipé

4.3 Optimiser les processus internes

  • Fluidifier la réception des prestations et la validation des factures
  • Réduire les circuits d’approbation trop lourds
  • Mettre en place des contrôles automatisés (ERP, OCR factures)

4.4 Suivre des KPIs de performance achats

  • Délai réel moyen
  • Pourcentage de factures payées dans les délais légaux
  • Taux de non-conformité sectorielle (transport, BTP, prestations intellectuelles)

4.5 Intégrer le risque “délais de paiement” dans la stratégie fournisseur

  • Notation financière + comportement de paiement
  • Plans d’accompagnement fournisseur
  • Sécurisation de fournisseurs clés via prépaiement ou financements intégrés

5. Conclusion : transformer une contrainte réglementaire en levier de valeur

Les données récentes montrent que les délais de paiement repartent à la hausse après une brève embellie. Pour les PME/PMI, la situation exige une approche plus mature où la fonction achats devient pilote de la régulation financière interentreprises.

En intégrant :

  • les spécificités sectorielles
  • les évolutions statistiques récentes,
  • un pilotage proactif et une optimisation interne,
    les achats peuvent contribuer à :
  • renforcer la trésorerie,
  • sécuriser la chaîne d’approvisionnement,
  • améliorer la relation fournisseur,
  • limiter les risques juridiques,
  • et créer un avantage compétitif structurel.

Sources

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